Chapitre 22
Une piste
Après avoir confié à des patrouilleurs la mission de livrer des enveloppes contenant des talismans à Sainte-Julie et à Sillery, Christian se dirigea vers la section de l’immeuble où travaillaient tous les enquêteurs de son corps de police. Il s’arrêta à la porte du bureau de Mélissa Dalpé et frappa de petits coups sur le cadre en bois.
— Il était temps que tu rentres, lança la jeune femme. J’ai tenté de t’appeler toute la journée !
Christian retira son téléphone cellulaire de la poche de son veston.
— Oups… il était éteint.
Il le remit à sa place et s’approcha du pupitre.
— Qu’est-ce que j’ai manqué ?
— La femme qui fait de la suppléance dans les écoles a apparemment annoncé à toutes les commissions scolaires pour lesquelles elle travaillait qu’elle prenait sa retraite.
— Quel âge a-t-elle ?
— Trente-deux ans.
— Elle doit être très riche.
— Je penche plutôt pour la théorie de la fuite. J’ai vérifié sa dernière adresse connue. Elle est partie sans dire ou elle allait. Sa logeuse la décrit comme une personne tranquille, qui payait toujours son loyer à temps et qui ne lui a jamais causé d’ennui.
— Sortait-elle au milieu de la nuit ?
— La propriétaire n’en sait rien. J’ai tenté de découvrir où cette enseignante se trouve en ce moment, mais je n’ai rien trouvé. Les écoles m’ont remis ses demandes d’emploi, mais son numéro d’assurance sociale ne correspond pas à son nom. Elle ne possède ni carte de crédit, ni compte en banque, ni permis de conduire.
— Que fait-elle de l’argent qu’elle gagne ? Elle doit bien déposer ses chèques quelque part.
— Je suppose qu’elle les empile dans des bas de laine, répondit moqueusement Mélissa. Je ferai d’autres vérifications.
— Y a-t-il eu d’autres disparitions ou meurtres d’enfants depuis que tu as commencé ton enquête sur elle ?
— Rien du tout.
— Elle sait que nous sommes sur sa trace. Je vais aller voir si j’ai des messages.
Avant de quitter le bureau de sa collègue pour se rendre au sien, Christian retira d’un petit sac en velours une chaînette en or à laquelle pendait une médaille de la taille d’une pièce de vingt-cinq sous. Sans préambule, il la passa autour du cou de Mélissa.
— Un présent ? s’étonna-t-elle.
— Ce n’était pas ton anniversaire, récemment ?
— C’était il y a quatre mois, mais merci quand même.
Elle déchanta lorsqu’elle leva la médaille pour la voir de plus près.
— Mais… c’est un pentagramme comme ceux qui ont failli te coûter la vie !
— Celui-là est bénéfique. Il t’empêchera de vivre le même cauchemar que moi. Ne l’enlève surtout pas.
— Merci de te soucier de ma santé. J’ai entendu dire qu’il faut donner quelque chose en retour, lorsqu’on reçoit un truc magique ou quelque chose comme ça ?
— Je n’en sais rien…
— Ne prenons pas de risques. Ce soir, je t’invite à manger chez moi.
— Tu sais faire la cuisine ?
— Évidemment que non, je commanderai de la nourriture asiatique.
— Ça me va.
Christian pivota sur ses talons et regagna son bureau. Il éplucha rapidement son courrier et ses courriels, puis écouta les messages de sa boîte vocale. Il n’y trouva rien qui concernait les deux cas sur lesquels il travaillait. Il retourna ses appels et répondit à toutes ses correspondances sans se presser. Il lui fallait également trouver un autre hôtel, car il ne voulait rester nulle part trop longtemps. L’obscurité envahit graduellement la petite pièce sans qu’il s’en rende compte.
— Il est temps de partir, l’informa Mélissa en le faisant sursauter.
— Quelle heure est-il ?
— Il est presque dix-neuf heures.
Elle le ramena à son appartement situé au centre-ville de Montréal. Christian avait grandi en banlieue, dans une maison qui possédait son propre jardin. Il n’avait jamais été attiré par les grandes tours en ciment et l’effervescence de la métropole. Il dut admettre, toutefois, qu’au trentième étage, la vue était époustouflante.
— Les couchers de soleil doivent être magnifiques, ici, laissa-t-il tomber, planté devant les larges fenêtres du loft de sa collègue.
— Probablement, mais j’arrive toujours trop tard pour les voir.
Il la rejoignit à table et mangea du bout des lèvres, toujours préoccupé par ses investigations.
— Merci encore pour l’amulette, lui dit Mélissa en le ramenant de sa rêverie, Est-ce ta façon de me dire que tu tiens romantiquement à moi ?
— Romantiquement ? Tu es un bon policier, Mel, et personne n’arriverait à te remplacer dans mon équipe si tu te faisais bouffer par un monstre.
La jeune femme déposa ses baguettes en bois, contourna la table et s’installa sur les genoux de son ami.
— Répète ce que tu viens de dire en me regardant dans les yeux, le défia-t-elle.
— Disons que je tiens à toi, d’accord ?
Elle passa les bras autour de son cou et déposa un langoureux baiser sur ses lèvres. Sa première surprise passée, Christian oublia sa faim et répondit aux avances de la jeune femme.